Lac de Créteil et insectes aquatiques - Par Michel BRULIN de l’OPIE-BENTHOS

Pour compléter notre visite découverte du 28 janvier 2023
mardi 14 février 2023
par  Michel BRULIN, Webmaster du Collectif du lac de Créteil
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Les points d’information.
(Carte interactive.)

POUR EN SAVOIR PLUS À PROPOS DES INSECTES AQUATIQUES
(En complément de notre visite découverte du 28 janvier 2023)

Au point N°3 sur la carte.

Qui sont-ils ?

La seule réelle différence des insectes aquatiques avec les autres insectes avec lesquels ils partagent un grand nombre de caractères, est qu’ils accomplissent une partie de leur cycle vital dans un milieu aquatique ! Ce lieu commun ou implacable logique cache en réalité une extraordinaire diversité. Sur les 3500 espèces de notre pays, le cas prédominant est de vivre dans l’eau (ruisseau, fleuve, lac, mare, étang, ornière…) à l’état de larve et de se transformer en adulte aérien ; c’est le cas des Libellules, Demoiselles, Ephémères, Perles, la quasi-majorité des Trichoptères ; d’autres comme des Coléoptères ou des Punaises ont des adultes qui restent ou redeviennent aquatiques, avec souvent une phase de transformation terrestre dans la boue du rivage… Enfin, certains (Moustiques, Chironomes, Cousins,…) se sont si bien adaptés à un micro-habitat humide (prairie inondée, goutte d’eau, suintement le long d’une roche, mousse, terre mouillée…) que l’entomologiste y perd son latin pour classer un insecte dans la catégorie « aquatique ». Imperfection de nos classements pour qualifier le vivant ! Nos boîtes ne sont pas étanches, c’est ennuyeux pour étudier le monde aquatique…
Et cette diversité se reflète dans les modes de vie : respiration aquatique par des branchies ou à travers la peau, respiration de l’air atmosphérique à l’aide d’un tube ou de poils emprisonnant une bulle d’air emportée sous l’eau, ou perforation des tiges pour y puiser de l’oxygène ; ponte des femelles à la surface de l’eau, ou s’immergeant totalement pour déposer leurs œufs sur ou même dans les tiges des végétaux aquatiques, voire sur une feuille d’arbre au-dessus de l’eau d’où la jeune larve se laisse tomber après l’éclosion !


Au point N°4 sur la carte.

Vivre dans l’eau

Deux grandes fonctions s’imposent aux insectes aquatiques : respirer, manger.
La première conduit à deux modes principaux : prélever le dioxygène dissous dans l’eau généralement à travers la peau ou à l’aide de branchies ; ou le dioxygène atmosphérique en revenant à la surface à intervalles plus ou moins réguliers ou par l’intermédiaire d’un tube permettant une liaison avec l’air au-dessus de la surface.
La seconde conduit à la même grande diversité que celle des espèces terrestres avec des brouteurs ou racleurs de végétaux (feuilles, tiges, algues, débris de la décomposition végétale) et des prédateurs consommant principalement les premiers et leurs concurrents à l’occasion.
Ces deux fonctions influencent fortement la qualité d’un milieu aquatique. La température, jouant un rôle important dans la concentration en dioxygène dissous, peut devenir rapidement un facteur limitant la vie des insectes adoptant ce mode de respiration (Ephémères, Plécoptères). Les autres sont moins dépendants et sont souvent des prédateurs opportunistes (Libellules, Dytiques, Nèpe, …)
La respiration aquatique… / Insectes n° 146

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La respiration aquatique des insectes - Revue Insectes N°146 de 2007 (3) Pages 3 à 7
La respiration aquatique des insectes - Revue Insectes N°146 de 2007 (3) Pages 3 à 7
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Au point N°6 sur la carte.

Évaluer la qualité des milieux aquatiques

Depuis quelques décennies, un protocole répondant à une norme précise, utilise les animaux anciennement dénommés invertébrés - vers, mollusques, insectes, …- pour évaluer la qualité des milieux aquatiques et par extension celle de l’eau que nous utilisons. Il s’agit de prélever sur une surface précise (500 cm2) tous les invertébrés qui y vivent, en répétant l’opération sur des micro-habitats différents (graviers, sable, végétation aquatique ou pas, limons, vases, courant rapide, lent…), et de déterminer ensuite en laboratoire la diversité représentée, en privilégiant la présence de groupes d’espèces dites indicatrices de qualité. Associée à des mesures d’autres caractères (température, acidité, composition chimique, bactériologique, présence d’algues microscopiques,…) cette méthode aboutit à donner une note au tronçon de cours d’eau étudié et à évaluer sa qualité. Un suivi dans le temps permet de contrôler cette qualité, importante par exemple dans le cas d’implantation d’une station de pompage. Ainsi, régulièrement en France, des agents hydrobiologistes prélèvent-ils quantité de faune aquatique à cette fin, notamment en des points précis constituant le réseau de surveillance. Peut-être cela sera-t-il remplacé un jour par l’analyse d’un volume d’eau contenant des traces d’ADN des êtres vivants y ayant vécu ; méthode à l’étude mais demandant un fichier référence de l’ADN de toutes les espèces indicatrices…

Surveillance de la qualité de l’eau (chimique, écologique) dans le cadre DCE


Observer les insectes aquatiques

L’entomologiste ou le naturaliste peut observer les insectes aquatiques au rythme des diverses phases de leur cycle vital. Il est souvent nécessaire de les collecter notamment en raison de la taille de ces animaux parfois inférieure au millimètre (Coléoptères) et de caractères qui échappent à l’œil humain et réclament l’utilisation d’une loupe pour les distinguer. Les adultes aériens peuvent être collectés au filet à papillons, soit à vue, soit en « fauchant » la végétation des rives (roseaux, graminées, branches basses des aulnes ou des saules,…) c’est-à-dire en maniant son filet pour lui faire traverser cette flore à la fois de manière rapide et délicate (attention aux épines !) ; la profonde poche du filet permet de choisir l’insecte que l’on peut observer entre les doigts pour les moins fragiles (libellules) ou introduire délicatement dans une boîte-loupe pour aider l’observation.

_DSC6547_©_2023_Bruno_Koson_Collectif du lac de Créteil

Pour la phase aquatique, le troubleau remplace le filet à papillon et est manié de la même façon dans la végétation aquatique, les racines de la berge, sur les graviers, le sable,… le contenu de la poche est vidé dans un grand bac choisi pour être le plus pratique possible (en plastique par exemple car léger à transporter) et à fond clair pour faciliter l’observation des insectes qui se déplaceront dans ce bac dans lequel on aura mis un peu d’eau.

_DSC6548_©_2023_Bruno_Koson_Collectif du lac de Créteil
Stephane_SOEJOSO©2023_MG_0048_lac-de-Creteil

Tout ce petit monde, adulte ou aquatique pourra être relâché ensuite.
Quelques autres techniques sont aussi employées : la collecte d’exuvies (peau abandonnée par l’insecte au moment de sa mue) dans la végétation de la berge (libellules, demoiselles, perles) ou dérivant à la surface de l’eau (chironomes, éphémères,…) ; attraction à la lumière artificielle au crépuscule et par les nuits sans lune ; et bien entendu la photographie, avec son vaste registre pour maîtriser une prise de vue d’un insecte vivant… L’inspection des toiles d’araignées des ponts, passerelles, digues, est aussi un incontournable. Et ne pas oublier un petit carnet et un crayon à papier pour noter ses observations et canaliser ainsi sa mémoire. Un antiseptique n’est pas non plus de trop pour se laver les mains en fin d’examen ; et penser que certains insectes aquatiques piquent, mordent,… La notonecte (punaise aquatique) mérite bien son surnom d’abeille d’eau !
Enfin et surtout, respecter les lois et règlements en vigueur en matière d’espèces et d’espaces protégés.


Au point N°7 sur la carte.

Faire vivre ses observations

Imaginons un passionné de Libellules qui voudrait connaître la distribution des diverses espèces de ces insectes fétiches en France. Le protocole le plus classique lui imposerait de visiter les milieux aquatiques et humides dans une aire délimitée par un carré de 5 km de côté et de noter les espèces rencontrées. Et de répéter l’opération environ 40 000 fois pour couvrir le territoire national métropolitain (indépendamment de l’altitude !) ; tâche impossible dans une vie, surtout si à la place de Libellules, notre naturaliste s’intéresse aux éphémères, dont les adultes ne sont visibles que quelques semaines par an et quelques minutes ou heures par jour !
Le partage des connaissances (science participative) et des observations est donc le remède à ce puits sans fond et la communication moderne en réseau trouve là sa raison d’être. Il existe des sites internet, des programmes, qui recueillent les observations de chacun et chacune pour les archiver et les rendre publiques. Avec, puisque ce sont des programmes scientifiques, des frontières pour limiter au maximum les erreurs possibles, ces dernières pouvant se répandre aussi facilement que les observations : détermination de l’espèce, date, coordonnées géographiques, nom de la commune,… peuvent être erronées et annuler ainsi les résultats. La photographie est souvent un allié utile, permettant à des experts de valider ou non une observation en détectant des caractères qui permettent de reconnaître une espèce de manière fiable. De plus, des programmes d’identification élaborés à partir de photos permettent de s’initier à la détermination au niveau de l’espèce en proposant une palette de caractères d’entrée (structure de l’aile, forme des pattes, couleurs des diverses parties du corps, taille des antennes ou des yeux,…) ; avec applications de saisie smartphone,…

https://www.insectes.org
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SPIPOLL
Livret de participation

(Extrait de notre article : Vigie-Nature École - Sciences participatives.)


Ainsi au Lac de Créteil

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Dans notre bac recueillant le contenu du troubleau manié le long de la berge du lac ce 28 janvier, des larves de chironomes étaient visibles ; ces insectes constituent une grande famille de Diptères (mouches, moustiques, cousins,…) de plus de 800 espèces en France, aux larves aquatiques (cours d’eau, sources, lacs, étangs, flaques, ornières,…) ou semi-aquatiques (mousses, pots de fleurs, terre humide) et aux adultes aériens. À Créteil, les plus connus constituent les « vers de vase », d’à peine un centimètre de longueur, la couleur rouge attestant leur richesse en pigment respiratoire augmentant l’utilisation de l’oxygène faiblement dissous dans ce milieu ; ces larves, fouisseuses, creusent des galeries dans la vase du fond, et facilitent ainsi la circulation de l’eau utile à l’implantation d’autres espèces par la suite ; elles sont aussi la base des chaînes alimentaires qui se mettent en place et forment une biomasse utilisée par d’autres espèces (poissons, insectes prédateurs) y compris à l’état adulte en formant parfois des essaims (oiseaux, libellules, demoiselles, araignées) et dont des promeneurs parfois se plaignent…
Enfin, grâce à un cliché de qualité en août 2022 transmis à un programme d’inventaire (https://www.opie-benthos.fr/opie/pages_dyna.php?idpage=987) une espèce de punaise aquatique (Gerris) a pu être déterminée (Aquarius paludum) et ajoutée à la faune du département du Val-de-Marne duquel elle n’avait jamais été citée.

Aquarius_paludum_accouplement_©_Michel_NOEL_2022_au_lac_de_Créteil

Et d’autres restent à découvrir…


OPIE-BENTHOS
Maison des Insectes
Chemin rural n°7 - BP30
78041 GUYANCOURT cedex
https://www.opie-benthos.fr/opie/monde-des-insectes.html


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